Le RN en rêvait, le Sénat l’a fait !

Fin 2022, la proposition par Gérald Darmanin d’un énième projet de loi relatif à l’immigration n’a pas suscité la préoccupation du pays (plutôt occupé à s’opposer au vol de deux ans de leur vie par la réforme des retraites). En cette fin d’année, il réitère en présentant à l’Assemblée une version de ce projet, durcie par le Sénat en novembre, pour le plus grand plaisir de l’extrême droite. Cette nouvelle version votée par la droite, l’extrême droite et Renaissance, le parti présidentiel, se voit délestée du volet initialement prévu pour faciliter le renouvellement des titres de séjours des personnes travaillant dans les « métiers en tension » et vient aggraver le volet répressif de la loi, en remettant en cause tous les compartiments du droit des étrangers : séjour, protection sociale, travail etc…

En passant de 27 à plus d’une centaine d’articles, ce texte ne ressemble plus à un projet de loi, mais plutôt à un « catalogue des horreurs » comme l’a qualifié la directrice générale de France Terre d’Asile. Aucune mesure qui puisse rendre la vie impossible aux personnes exilées n’a été épargnée : fin de l’automaticité du droit du sol ; quotas triennaux d’immigrations fixés par le Parlement ; privation d’allocation et de prestations sociales pour les personnes exilées en situation régulière pendant leurs 5 premières années de résidence ; suppression de l’AME ; exclusion des personnes en situation irrégulière de l’hébergement d’urgence etc… Si l’on pouvait résumer, on dirait qu’avec ce texte, les personnes étrangères qui vivent, travaillent et payent leurs impôts en France n’ont plus le droit à rien, sauf celui de se faire exploiter. De nombreux·ses ivryen·nes nous font déjà part de leurs difficultés à accéder à leurs droits en raison de la lenteur du renouvellement de leur titre de séjour. La promulgation d’une telle loi ne se contenterait pas d’accroître ces difficultés, elle en ferait la norme.

En déclarant que ce projet « pose les fondations d’une stratégie migratoire assumée », la majorité sénatoriale a choisi d’agiter les peurs et angoisses d’une submersion migratoire, alimentées par des théories racistes. Pourtant, le phénomène de migration dans le monde est une réalité quasi-inéluctable. Il résulte des drames écologiques et sociaux, des guerres, des oppressions et des inégalités entre pays du Nord et Pays du Sud, conséquences de la mondialisation libérale et d’une course effrénée au profit des grandes entreprises sur le dos de la planète et des peuples. En France, le nombre d’exilé·es a augmenté depuis 20 ans, mais très peu proportionnellement au reste du monde. Par exemple, sur les 10 millions de syrien·nes, irakien·nes et afghan·es contraints de fuir leur pays nous n’avons enregistré que 100 000 demandes d’asiles, et, autant sur les 7.4 millions d’ukrainien·nes. Il faut donc prendre la juste mesure des mouvements de population pour enfin agir avec humanité. C’est ce que nous faisons à Ivry lorsque nous accompagnons près de 160 jeunes personnes exilées pour qu’elles n’aient plus à dormir à la rue. Si nous sommes en capacité de la faire, alors l’Etat peut prendre sa part et remplir son devoir d’humanité.

L’Assemblée nationale doit rejeter cette loi qui fait le choix de la division et de la stigmatisation des personnes migrantes. En prétendant favoriser l’intégration, elle supprime les dispositifs qui la permettent et foule aux pieds les principes de notre République. Finalement, la loi qui sera débattue en décembre à l’Assemblée ne sera qu’une loi de recul des droits humains. Comme les autres lois qui sont allées dans ce sens elle ne mettra pas fin aux phénomènes de migration. Elle ne contribuera qu’à mettre les exilées en danger et à aggraver des conditions d’accueil déjà indigne de la 7ème puissance mondiale. Le débat sur ce texte constituera une tribune offerte à tous les discours xénophobes et discriminatoires. Un débat qui en plus, ne permettra pas de répondre aux préoccupations telles que la santé, les salaires ou la lutte contre le dérèglement climatique.

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