Le 19 décembre, après des jours d’un feuilleton politicien et des mois consacrés à l’agitation des peurs de nos concitoyen·nes, la loi « immigration » portée par le Ministre Gérald Darmanin a finalement été adoptée par une majorité au Sénat, et à l’Assemblée Nationale.

Une majorité de parlementaires macronistes, des Républicains (qui n’ont jamais si mal porté leur nom) et la totalité des élu.e.s du Rassemblement National ont voté un texte qui interdira pendant 5 ans aux personnes étrangères (non européennes) l’obtention de prestations sociales aussi communes que l’APL ou les prestations familiales. Une loi qui instaure des « quotas » annuels d’entrées sur le territoire, durcit – encore – les conditions d’obtention d’un titre de séjour, soumet à caution l’entrée des étudiants étrangers sur le territoire, valide un droit pénal distinct, selon que l’on soit uniquement français ou bien binational, entérine la primauté du « droit du sang » sur « le droit du sol » et qui condamnera à la rue les personnes touchées par une Obligation de Quitter le Territoire Français. Ce vote fournit « une grande victoire idéologique » au Rassemblement National, de l’aveu même de Marine Le Pen, car c’est son projet pour notre société, celui de son père, celui d’Eric Zemmour plus récemment, qui rentre dans le droit français. C’est la validation des fantasmes centenaires de l’extrême droite, qui promeut la « préférence nationale ». C’est une vision de la société où la personne étrangère est une citoyenne de seconde zone, perçue au pire comme une menace ou une charge, au mieux,  réduite à sa force de travail, et fonction des besoins de main-d’œuvre du patronat. C’est un rapport néolibéral, néocolonial et teinté d’islamophobie aux personnes étrangères qui vivent en France.

Ce texte est un point de bascule dans notre démocratie, déjà fortement abîmée par la pratique des derniers gouvernements. L’engagement des organisations progressistes, des associations et des parlementaires de gauche, n’a pas suffi. Et nous saluons le travail des parlementaires de gauche, dont Pascal Savoldelli et Mathilde Panot, qui ont eu raison de faire bloc contre cette loi et de ne pas se satisfaire du « moins pire » à propos de la dignité humaine. Car cette loi jettera des centaines de milliers de familles dans la détresse, mais n’apportera rien à personne. Le gouvernement n’a pas attendu cette loi pour baisser le montant des APL, pour mener la guerre au logement social et pour laisser dormir à la rue des milliers d’adultes et d’enfants chaque soir…

Restons solidaires.

A Ivry, nous sommes forts de l’histoire de notre ville. Une histoire faite du métissage de ses habitant·s, qui a vu s’établir à Ivry, des personnes venues de Bretagne, de Franche-Comté, puis du Portugal et d’Espagne, plus tard encore du Maghreb, d’Afrique Sub-Saharienne, d’Asie du Sud-Est et de bien d’autres endroits encore… Une histoire forte de l’accueil des personnes en détresse : des réfugiés de la République espagnole, dans les années 1930, jusqu’au Centre d’Hébergement d’Urgence des Migrants d’Ivry Port, ouvert en 2017. Une histoire de ville engagée où les habitant·es font preuve de solidarité avec l’Autre : des parrainages et marrainages républicains de 2004, jusque l’hiver dernier, et la mobilisation pour la mise à l’abri des jeunes mineurs exilés qui survivaient, frigorifiés, sous le pont Mandela. Le récit de vie de milliers d’Ivryennes et d’Ivryens, de leurs parents, parfois de leurs grands-parents, sont la meilleure réponse au discours raciste et xénophobe qui gangrène la vie politique de notre pays. Face aux logiques du « droit du sang » qui nous guettent, Ivry est un exemple de ce que peut créer son antidote : la citoyenneté de résidence.

Si cette loi venait à être promulguée, nous entrerons dans une période politique nouvelle, où la mobilisation de chacune et chacun sera essentielle. Pour affronter la droite et l’extrême droite, la gauche politique et sociale porte une responsabilité historique, et nous ne pouvons qu’appeler de nos vœux un sursaut unitaire. Au-delà, chaque progressiste a un rôle à jouer, à son échelle, sur son propre champ d’action. Pour notre part, nous serons de toutes les mobilisations et de toutes les initiatives à venir contre le projet de société qui nous menace.

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